Qui se souvient de Roger Nicolas ? Petit chapeau mou porté en auréole, yeux en billes de loto, Écoute, écoute ! mon pote
, bavard infatigable et jovial, ce Lorrain viré titi parigot faisait les beaux jours de la RTF dans les années 60 – chaîne unique, noir et blanc. Malchanceux, il est mort en même temps qu'Elvis Presley et personne n'en a parlé.
Je me rappelle un de ses sketches :
— Papa, papa, qu'est-ce que c'est un turboréacteur ?
— Hum… eh bien… attends un peu… c'est un turboréacteur, non ?
— Ah, merci. (pause) Papa, papa, qu'est-ce que c'est un référendum ?
— Oh, hé, brhooumm… est-ce que je sais, moi ?… un référendum, voilà !
Ainsi de suite pendant deux ou trois questions. Intervient
— Fiche un peu la paix à ton père, voyons !
Alors le père, conscient de ses devoirs éducatifs et soucieux de préserver son autorité, grosse voix :
— Mais laisse ce p'tit s'instruire !
J'avais quatre ou six ans, ça me faisait rire de bon cœur – comprendre les plaisanteries des grands est toujours une étape importante.
Les rues de Paris ont des plaques à leur nom, à chaque carrefour (on me dit que cela se pratique aussi ailleurs). Pendant longtemps ces plaques, souvent reproduites en cartes postales, se contentèrent de donner le nom de la voie : Boulevard Voltaire
, Rue Legendre
, Rue de Charenton
, Rue Dieu
. Pour en savoir davantage il fallait ouvrir un dictionnaire (qui ne connaissait pas tout le monde) ou le Dictionnaire des noms de rues
de Bernard Stéphane (Mengès, est-il toujours disponible ?) qui, malgré son titre ambitieux, ne traite que des rues de Paris.
Pour l'instruction du passant apparurent ensuite des sous-titres, plus ou moins fouillés : Boulevard Voltaire – philosophe et écrivain
, Rue Legendre– mathématicien 1752–1834
.
Ou prévisibles : Rue de Charenton – ancienne route conduisant à Charenton
.
Ou pas : Rue Dieu – nom de propriétaire
.
Flânant dans Belleville je suis tombé sur celui-ci, carrément indispensable :
Mais laisse ce p'tit s'instruire !