Article de remise en route…
Il y a dans Paris les coins célèbres, que tout le monde connaît, veut voir ou revoir, et qui le méritent bien. Logique.
Il y a une multitude de coins et recoins modestes que personne ne connaît, de jolis petits détails ni cachés ni exhibés, qui ne demandent qu'un peu de lenteur et d'attention pour se faire découvrir. Logique encore.
Il y a, car même l'amour doit être parfois lucide, des coins sans aucun intérêt. Logique toujours.
Mais il y a enfin, prenant la logique en défaut, de belles choses bien visibles et pourtant peu remarquées, placées qu'elles sont en dehors des autoroutes à badauds.
Exemple :
Par le boulevard du Montparnasse (très larges trottoirs, trajet confortable mais sans relief), par l'avenue de l'Observatoire (larges trottoirs et vigoureuse perspective de marronniers) ou par la rue Notre-Dame-des-Champs (promenade toute de charme, aucune ambition géométrique) on arrive en un point de la rive gauche, le RER Port-Royal, où personne ne s'attarde beaucoup. Le souvenir de l'attentat du 3 décembre 1996 (170 blessés, 4 morts) ? Il ne faut pas chercher si loin, simplement un carrefour arrangé en priorité pour le passage des voitures, aucune raison d'y flâner.
Or à trois pas du RER, de la Closerie des Lilas, de la statue du maréchal Ney (le brave des braves
fusillé ici, à la sauvette, au lendemain des Cent-Jours), au bout des jardins de l'Observatoire, on trouve cette fontaine.
Ni minuscule, ni dissimulée, ni hideuse, qui la connaît ?
Elle date de 1873. L'architecte en est Davioud (auteur de la fontaine Saint-Michel) qui mit trois sculpteurs différents à contribution : les Quatre parties du monde
proprement dites sont de J.-B. Carpeaux (dont la Danse
ornant l'Opéra Garnier fit beaucoup parler en son temps), Eugène Legrain signa le globe et Emmanuel Fremiet les chevaux, dauphins et tortues. La jeune IIIe République ne dédaignait pas les artistes de l'Empire.
Notez que l'Afrique, au premier plan de la photo, porte un fer rompu à la cheville : l'abolition définitive de l'esclavage, en France, avait tout juste vingt-cinq ans…
Ce bout des jardins de l'Observatoire est un endroit curieux, j'aime y entrer. En poussant le petit portail grinçant (un vrai portail de vrai jardin municipal grince toujours, sinon c'est pas de jeu) on vient trouver la tranquillité d'un square de quartier autour de son jet d'eau, cependant square et jet d'eau sont énormes. La place de la Concorde et ses fontaines, sans voitures ni cohue : une forme d'idéal !
Par beau temps tout ce monde de bronze, de muscles tendus, d'eau et de lumière dégage une puissance étonnante, encore plus dans ce décor tiré au cordeau. J'espère que vous aimez les chevaux ?