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Paris, photo, humeurs, un peu de HTML/CSS pour faire sérieux. Feinte innocence et vraie naïveté (ou vice-versa). Encore un blog qui agite ses petits bras en couinant "Viens me lire !"

Mues

Les hommes disent que le temps passe, le temps dit que les hommes passent, si l'on croit un sage anonyme et bien pratique pour épicer la conversation. Voyons ça.


Il y a un an ou deux j'ai perdu ma montre. Ce n'était pas seulement un événement désagréable. Combien d'hommes de mon âge portent-ils encore la montre de leur première communion ? Le plus souvent, montre d'enfant, elle dort dans un tiroir ou un coffre à côté de la médaille de baptême – et de l'alliance du mariage rompu si l'on n'est pas rancunier.

Celle-ci avait été choisie par mes parents comme le font les gens de goût qui ne crient pas misère ni ne roulent sur l'or : simple, belle, hors mode, inusable. Elle a parfaitement rempli sa part du contrat, faisant hausser un sourcil appréciateur aux horlogers à qui je la confiais tous les dix ans pour un dépoussiérage, étonnant mon encore un peu gamine un jour de remontage distrait entre deux métros :  qu'est-ce que tu fais à ta montre ?   c'est une montre préhistorique, je t'expliquerai  (je crois qu'elle a fini par comprendre, sans attendre une explication jamais venue).

Il ne fallait que penser à changer régulièrement un bracelet qui s'usait malgré le soin mis à choisir un cuir costaud, phoque ou requin (comme si j'allais porter du croco ou du lézard, pfff… ). Cette fois-là j'ai tardé, toujours autre chose à faire (et quoi donc, grand Dieu ?), le bracelet m'a lâché sans bruit un jour où je marchais d'un bon pas, je n'ai rien remarqué. La montre est tombée quelque part dans de l'herbe épaisse, j'espère seulement que quelqu'un la porte aujourd'hui. Le fruit de ma négligence, comme souvent. Aucune excuse, comme toujours.

Bien sûr j'ai remplacé l'absente mais, même si la nouvelle venue tient elle aussi quarante-cinq ans, ça ne sera plus pareil. Le temps passe.


Il y a deux mois j'ai perdu ma mère – mes associations d'idées ne sont pas toujours de bon goût, je sais, et je ne développerai pas la comparaison. Elle me revient sans prévenir, lorsque je pense à lui lire tel article inaccessible à ses yeux usés, lorsque je me promets de lui raconter tel changement survenu en ville, lorsque je râle contre ses manies…

Elle m'est revenue plus vivement aujourd'hui, et je m'y attendais, en cherchant l'un des multiples papiers requis pour finir de l'enterrer. Je suis tombé sur un tas de marques de son organisation de quasi-aveugle, sur d'anciennes cartes de visite à mon nom, affectueusement conservées et disséminées dans tous ses sacs et ses poches, je suis tombé sur des photos, sur d'anciens petits cadeaux. Même en s'y attendant, on est facilement submergé. Le temps passe.

Je cherchais aussi, et cherche encore, des papiers nécessaires pour vendre l'appartement, désormais bien trop grand, où j'ai grandi, où je loge pour le moment, où elle a vécu plus de cinquante ans. J'ai trouvé plus commode et pas vilain ailleurs, ne vous inquiétez pas.

Ce n'est pas de ne plus vivre là qui me manquera, c'est de savoir que je n'y reviendrai plus, comme je l'ai fait de loin en loin depuis mes vingt ans. Que voulez-vous, j'ai un cordon ombilical en chêne ciré craquant sous les pas, en immenses portes centenaires jamais bien fermées.

Les nouveaux propriétaires, une fois trouvés, me proposeront peut-être de venir voir les changements ? J'accepterai leur invitation si elle vient, je crains tout de même de traverser un mauvais moment. Ils auront sûrement posé du double vitrage partout : où seront les vitres anciennes, à bouillons, que j'avais fini par aimer ? Le temps passe.


Allez mon p'tit gars, faut replonger dans les dossiers.

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auteur identifié correctement
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que des souvenirs ? pas d'émoustillements ...?
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Que de causeries devant cette bibliothèque .....
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M
<br /> <br /> Souvenirs souvenirs - si j'ai correctement identifié l'auteur ?<br /> <br /> <br /> <br />
P
Bonjour brendufat,<br /> <br /> Je suis contente<br /> de vous avoir enfin retrouvé.<br /> Je croyais que la nouvelle plateforme<br /> vous avait complètement englouti.
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B
<br /> <br /> Meuh non meuh non, je n'ai jamais bougé d'ici :-) Content de vous revoir<br /> <br /> <br /> <br />
L
Toutes mes condoléances. Très joli texte.
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M
<br /> <br /> Merci. Il faut bien que ces choses-là passent elles aussi...<br /> <br /> <br /> <br />
L
Le temps passe, certes.<br /> La mémoire lui joue des tours, toujours.<br /> Le temps devient une succession de moments heureux, entrecoupés de désagréables flashbacks.<br /> <br /> Prends soin de toi
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B
<br /> <br /> J'aime l'optimisme que révèle ton dosage des choses. Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Peut-être deux fois trop grand :-)<br /> <br /> <br /> Merci  pour ce mot gentil, je suis toujours preneur !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
A
Je t'embrasse fort.
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M
<br /> <br /> Toujours bon à prendre :-)<br /> <br /> <br /> <br />
B
Hello! je traine toujours ici,même si souvent je ne dis rien, car je considère que je n'ai rien à dire , ou ne dois rien dire... Je vais malgré tout me permettre de te raconter une histoire:<br /> Récemment je suis retourné voir la maison ou j'ai grandi: j y ai passé de l'age de 3 à 18 ans, mes parents y étaient en location...<br /> C'était une vieille maison, avec un poêle a mazout pour chauffer le bas, et dans les chambre en hiver on branchait des radiateurs électriques , avec des pièces petites, ce qui faisait office de<br /> salon n'était pas plus grand que la cuisine qui avait une grande cheminée en pierre sous laquelle on mettait la gazinière, ma chambre était au deuxième étage au dessus de celle de mes parents, dans<br /> le temps c'était un grenier à grain. dans le couloir qui séparait la partie habitation de la grange subsistait encore la crèche qui jadis servait à nourrir les bêtes. Dans le pré derrière il y<br /> avait des vaches et leur abreuvoir était derrière le mur du placard de la cuisine: en buvant leur cornes cognaient après le mur ce qui m'effrayait un peu au début.Cette maison on y accède par une<br /> petite route goudronnée qui monte salement: je me souviens de ma mère au volant de sa R4 qui quand il y avait de la neige disait "si on arrive a monter la moitié, on pourra reprendre de l'élan dans<br /> une entrée de chemin perpendiculaire"... au début ou nous y vivions cette route n'était même pas goudronnée.Il n'y a pas d'autres maisons que celle ci: une fois monté la petite route tu arrivais<br /> sur une toute petite place goudronnée , il y avait la maison, un chemin de terre pas vraiment carrossable qui poursuivait plus loin dans les champs, des près et des bois, une mare, 2 cabanes à<br /> outils et un poulailler, rien d'autre si ce n'est ce sentiment de liberté et de tranquillité, les seuls intrus étaient des chats sauvages, quelques cervidés, lapins et autres animaux à quatre<br /> pattes...<br /> Autant dire que fils unique, passer 15 ans dans ce "trou" n'aide pas à être sociable, et je pense que si je suis solitaire aujourd'hui je le dois un peu à cette maison et sa situation: je m'y suis<br /> construit ...<br /> Bref je m'égare...<br /> Il y a quelques années la maison était à vendre, et même si je n y ai pas vécu que des moments heureux, loin de là, j'aurais eu les moyens je l'aurai rachetée: un peu par nostalgie, mais aussi car<br /> des maison sans aucuns voisins à 5 minutes d'une ville de 6000 Habitant et à 30 de la capitale auvergnate, ça court pas les petites annonces...Fauché comme les blé n’empêche pas de rêver:<br /> J'aurais cassé la cloison du salon, fait un openspace sur la partie haute de la grange, et gardé le bas en guise de garage... je l'ai dit: pas d'argent je n'ai rien acheté...<br /> Je suis donc retourné 13 ans après l'avoir quittée voir cette maison, non sans une certaine appréhension: par crainte de savoir ce que j'allais y trouver, aussi peut être pour braver certains<br /> fantômes du passé ... et là, surprise: sur la petite place devant la maison: un portail, et tout autour du grillage détruisant justement cette sensation de tranquillité et de liberté que j'avais en<br /> souvenir...la façade laissait apparaitre que de nombreux changements avaient étés faits, tant au niveau de nouvelles ouvertures que du crépi orangé qui recouvrait désormais les pierres de ce qui<br /> avait été l'habitation, et le pisé de ce qui avait été la grange...Le proprio est sorti, je lui ai expliqué que j'avais vécu ici et il m'a proposé une visite: l'habitation intérieure est mieux<br /> qu'avant, moderne, spacieuse, fonctionnelle, ressemble beaucoup à ce que j'aurais aimé y faire si je l'avais racheté mais... ce n'est plus la maison ou je me suis construit, ou j'ai tant vécu, et<br /> ce portail dehors , je crois que c'est ce qui me choque le plus... En la voyant ainsi j'ai l'impression qu'on a profané tout les souvenirs que j'y avait, que l'on a pris ( ou que l'on a essayé: un<br /> peu comme un cambriolage ou rien n'a été subtilisé mais ou tout à été retourné, cassé..) la bas quelque chose qui n’appartenait qu'a moi... Je me demande parfois si je n'aurais pas préféré ne<br /> jamais y remettre les pieds...<br /> <br /> Amitiés Bren
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M
<br /> <br /> Nous parlons bien de la même chose...<br /> <br /> <br /> Quel besoin d'un portail et de grilles quand on n'a pas de voisin ? Un mirador, au moins, aurait eu de la gueule ! et aurait donné un beau point de vue sur la campagne.<br /> <br /> <br /> Surtout avec des vitres à bouillons....<br /> <br /> <br /> <br />
E
et si j'écrivais qqchose...<br />
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M
<br /> <br /> Ne te gêne donc pas... :-)<br /> <br /> <br /> <br />