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29 août 2009 6 29 /08 /août /2009 00:10

On pourrait continuer longtemps à se raconter les entourloupes à la cour des Valois, ce ne serait jamais que de la chronique pipole refroidie, rancie par quelques siècles. Or ceci ne cherche pas à se faire prendre pour un blog d'Histoire ni d'Historiette : ces trois articles ne font que broder à partir d'une déambulation dans un tout petit coin de Paris. Mais justement, pour clore la déambulation, il faut tout de même que je vous en raconte une dernière – une ultime finale dernière conclusive, promis.


C'est reparti : la greluche à fiston Henri (Diane de Poitiers, veuve de Brézé) et celle à papa François (Anne de Pisseleu, épouse de Brosse) sont en guerre ouverte et tous les coups sont permis. En voici un, particulièrement fétide : Anne de Pisseleu avait une sœur, Louise, mariée à Guy Chabot de Saint-Gelais. Bien. La mère de Chabot étant morte, son père s'était remarié avec une dame probablement plus jeune que sa première épouse. Rien que de classique.

Et voilà qu'Henri (futur II, et pour le moment Dauphin) laisse dire que le jeune Chabot et sa jolie belle-maman, ma foi… Procédé très, vraiment très désagréable (où est passé Amadis de Gaule ?), sans doute suggéré par Diane de Poitiers, procédé que la duchesse d'Étampes prend fort mal et dont elle se plaint à François Ier. Henri, craignant la colère d'un père avec qui les relations étaient déjà tendues, trouve un copain dévoué, François de Vivonne, pour s'accuser à sa place tout en affirmant avoir seulement répété des confidences de Chabot. Lequel Chabot, furax, demande à son roi la permission de venger son honneur. Lequel roi, ayant depuis le début pris la mesure de l'histoire, refuse sa permission et la refusera toujours. Chacun alors de ronger son frein en attendant… quoi ?

La mort de François Ier ? Chose faite en 1547. Chabot représente sa demande au nouveau roi (pas vraiment neutre dans l'affaire…) qui autorise le duel. Avec peut-être quelques vilaines arrière-pensées : si Chabot est sans doute un honnête et courageux garçon, Vivonne, seigneur de la Châtaigneraie, est une terreur des cours de récré (bien que filleul de François Ier), un guerrier éprouvé, une des plus fines lames de l'époque.

Quand on se retrouve à Saint-Germain-en-Laye pour vider la querelle, en présence de toute la cour et d'un nombreux public, les jeux semblent faits – à tel point que la Châtaigneraie a déjà préparé le banquet qui réjouira le bon peuple après sa victoire. Seulement (c'est beau comme un roman, tout de même) Chabot ne s'est pas embarqué sans biscuits : il s'est intensivement entraîné auprès d'un Italien dont le nom s'est perdu. Il signor della spada lui a donné quelques bons tuyaux et le conseil de choisir l'épée à deux mains, lourde, et qui fatiguera la Châtaigneraie dont un genou est faible.

On se bat donc sous le beau soleil de juillet qui devait baigner l'esplanade du château. À la surprise de l'assemblée le freluquet tient bon face au caïd, le fait transpirer, le fatigue et, au moment opportun, lui fend le jarret. Le coup est inattendu mais régulier : Chabot a gagné, à travers lui sa belle-sœur Anne de Pisseleu remporte un dernier succès face à Diane de Poitiers.

Le bilan des opérations, maintenant.

Un honneur lavé. Un mort connu : La Châtaigneraie, vexé comme un pou, arrache ses pansements et meurt dans la nuit. Plusieurs morts anonymes :  on n'allait pas laisser perdre toute cette boustifaille  a pensé le bon peuple en se précipitant sur les tables du banquet – et leurs couverts en argent. Henri II, d'humeur massacrante, fait massacrer. Un enrichissement du vocabulaire : Chabot laissera son nom à sa botte secrète.

Chabot ? Ah oui, le baron de Jarnac – je savais bien que j'oubliais quelque chose.


Le rapport entre cette histoire sanglante et ma jolie salamandre de pierre ?

Elle prend son bain de flammes dans une rue tranquille où rien ne la signale, où elle n'est qu'une pierre énigmatique qui fait chercher plutôt qu'une attraction dans un circuit touristique, et c'est bien pour ça que je l'aime.

Au bout de cette rue tranquille s'en trouve une autre, aussi vieille, aussi tendre, aussi calme que la première. Dans cette autre rue, tout près donc de la salamandre, il y a une porte fort simple, toute bleue :

Salle d'armes,1886 (Paris VI)

Et il a fallu que j'entre chez mon boulanger pour en savoir davantage. Oui ! Apprenez que le syndicat des boulangers parisiens édite une élégante revue, gratuite, intitulée  Cigale  (pourquoi donc ?) dont le dernier numéro nous explique que cette salle d'armes, fondée en 1886, est une des plus anciennes de France, qu'on y pratique dans un décor inchangé l'escrime sans électricité, qu'on y enseigne à manier sabre, épée et fleuret de la main gauche comme de la droite, qu'on y trouve 40% de femmes…

Si c'est pas de la magie, ça…


Sources :  Connaissance du Vieux Paris , Jacques Hillairet, Rivages. Divers articles de Wikipédia et du Robert des Noms Propres, bien sûr et aussi, pour changer un peu,  La Rivalité d’Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers , intéressante conférence de 1909.


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