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5 mars 2007 1 05 /03 /mars /2007 12:14

On reprend.

Aujourd'hui, promenade hypogée : c'est avec une émotion non feinte que je vous fais découvrir mon parking préféré.

Option 1 :  Remboursez ! 

Option 2 :  N'importe quoi pour remplir un blog autrefois prometteur. Quelle déchéance, tout de même. 

Option 3 :  Cette fois ça y est : il est fou… 

Revenez, bande de gens ! Dénouez donc cette camisole et laissez-moi coiffer ma casquette de guide.

* prend la diction inimitable du guide qui présente le lit où aurait pu dormir Napoléon s'il avait fait un détour en revenant de l'Île d'Elbe *

 Mesdames et Messieurs, appréciez le savoureux contraste entre ces automobiles du début du XXIe siècle et cette ancestrale maçonnerie du début du XIIIe siècle ! 

Ce mur est, en effet, un petit bout de l'enceinte de Philippe-Auguste. Vers l'an 1200, Philippe II, plus tard dit Auguste, partit en pieux tourisme militaire en Palestine – en croisade, autrement dit. Homme prudent, il mit (on le suppose) une ceinture de chasteté à son épouse et (on en est certain) une bonne et belle muraille à sa capitale. Admirez le travail (le tuyau de chauffage et les chaînes de plastique sont des embellissements modernes) :

Depuis le mur gaulois de la Cité jusqu'au périphérique d'aujourd'hui, toutes les enceintes de Paris ont fini par être rasées un jour, sauf celle-ci. Vite démodée par les progrès de l'artillerie, tôt submergée par la croissance de la ville, elle est restée en place. On s'est contenté d'élargir ou détruire les portes, le reste a servi de carrière ou de mur d'appui – il n'y a pas de petites économies.

De ce fait, il en demeure plusieurs vestiges et traces dans le centre du Paris actuel : des tours plus ou moins complètes, des fragments de mur et, principalement sur la rive gauche, des rues dans les anciens fossés.

Prenez un plan, et promenez votre doigt : rue Mazarine, rue Monsieur-le-Prince, un bout de la rue Malebranche, rue des Fossés Saint-Jacques (vous avez remarqué le nom ?), rue de l'Estrapade, rue Thouin, rue du Cardinal-Lemoine, rue des Fossés Saint-Bernard (le nom, là aussi) : le tracé est presque complet.

Rive droite, c'est un peu plus confus : commencez au Louvre (bâti en avant de la fortification), visez la rue du Jour puis la rue Etienne-Marcel (création du XIXe siècle). Arrivé à la rue Saint-Martin, filez en ligne droite à travers les immeubles jusqu'à la place du marché Sainte-Catherine et, le long du lycée Charlemagne qui conserve le plus beau pan de mur subsistant, rejoignez la Seine en face de l'île Saint-Louis, à cette époque terrain vague au milieu du fleuve – les temps changent…

Pardonnez-moi un aussi long développement, mais ces vieilleries me touchent toujours beaucoup.

Pour revenir sous terre, dans notre parking, ce n'est pas tant la curiosité archéologique que j'aime, mais qu'elle soit utilisée sans façon (exception faite des spots) en brave mur encombrant mais pratique laissé par les vieux plutôt qu'en monument remarquable et dûment signalé à l'attention du badaud. Il y a juste, dans un coin obscur, un écriteau tout moche disant que et que, parce qu'on ne pouvait pas faire moins – mais l'important reste visiblement de garer sa bagnole, pas de s'extasier en troupeau.

J'aime cet alliage de familiarité et de respect – après tout, on n'a pas remplacé le mur par un beau béton armé – comme je suis bien moins ému par la flamme du Soldat Inconnu que par le petit carreau de marbre tout simple qui signale qu'ici, devant un immeuble banal et vivant, est tombé en 44 un père de trois enfants.

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