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29 septembre 2006 5 29 /09 /septembre /2006 01:11

Article sinueux.


Allez savoir. Laissons de côté les idées toutes faites, les frelatés frissons de frauduleux esthètes, et cherchons autre chose.

Premier motif possible, une liste en forme de savoureux programme : amour, délice et orgue, les trois seuls noms qui changent de genre pour changer de nombre.

Toute liste est un puissant germe de rêverie dès lors qu'elle n'est pas faite pour ça. Annuaire téléphonique, monument aux morts, plan de ligne de métro ( Le diable descend à la station La Fourche , je sais que c'est de Prévert mais où donc ?) ou famille royale :

Louis I
Louis II
Louis III
Louis IV
Louis V
Louis VI
Louis VII
Louis VIII
Louis IX
Louis X (dit le Hutin)
Louis XI
Louis XII
Louis XIII
Louis XIV
Louis XV
Louis XVI
Louis XVIII
et plus personne plus rien …
qu'est-ce que c'est que ces gens-là
qui ne sont pas foutus
de compter jusqu'à vingt ?

(Prévert, toujours.)

Autre voie : si l'on aime les problèmes compliqués et les paradoxes, songer que c'est un instrument au principe élémentaire : souffler dans un tuyau. Songer qu'en outre l'emploi obligé d'une soufflerie plutôt que de poumons empêche d'en faire varier le volume sonore. Empêche aussi d'obtenir ces effets d'attaque qui font si fort s'extasier les dames devant la transe d'un flûtiste ou l'épilepsie d'un violoniste. Admirer alors l'ingéniosité déployée par les facteurs, les compositeurs et les interprètes pour tirer le meilleur parti de la bête.

Autre voie encore : la fascination optique.

Se planter face au buffet d'un orgue ancien, prendre ce qu'il faut de recul pour le bien voir sans perdre les détails.

Choisir un point de départ, logique ou non.

Laisser le regard suivre les courbes et contre-courbes, errer sur les consoles, les balustres, se perdre dans les volutes, les acanthes, la volaille angelote ou chérubine, toute l'ébénisterie patinée, palpitante, qui luit dans la pénombre et attend la paume…

Mais tôt ou tard, inévitablement, se faire capturer par les verticales nécessaires qu'impose l'acoustique – parce qu'on ne triche pas avec la physique, avec le paisible métal frayant son chemin d'un seul jet dans le bois chantourné.

Une source sûre m'indique enfin qu'on pourrait aussi fabriquer de la musique avec ? Mais c'est une autre histoire.

Tout ceci parce que, l'autre soir, le soleil couchant faisait flamber un chef-d'oeuvre anonyme de fumisterie installé en face de mon 8ème étage, que le motif si parisien des cheminées alternativement hautes et basses m'a toujours évoqué une partition, et que le mur a soudain manqué cruellement d'angelots potelés.

"Orgue" de cheminées

Il faut aimer les cheminées.

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