Réseau : un truc très compliqué, conçu et entretenu par des spécialistes grassement payés, reliant des ordinateurs entre eux.
Un réseau, ses techniciens, ses utilisateurs, possèdent deux états principaux :
- incompréhensible (technicien paisible, utilisateur affairé)
ou - en panne (technicien fébrile, utilisateur furieux).
À ces notions de base s'ajoutent d'autres termes fumeux tels que protocole
, couches OSI
, bande passante
…
Ouais. Il est temps de parler d'autre chose.
Vous avez déjà posté une lettre ? Vous avez appris ça quand vous étiez petit(e), en colo : l'adresse de maman au bon endroit (sans oublier le code postal), un timbre dans le coin, votre adresse au dos. Aller à la Poste déposer le tout dans la bonne boîte : ville, département, reste de la France (autres lecteurs francophones, je compte sur vous pour les adaptations). Un peu plus tard maman a reçu la lettre dans la boîte à son nom, en bas de chez elle, et elle a fondu de tendresse en lisant vos fautes d'orthographe.
Hé bien vous utilisiez un réseau : le réseau postal relie toutes les boîtes aux lettres de la Poste (souvent jaunes) à toutes les boîtes aux lettres d'immeubles (souvent grises). Première remarque : j'ai dit toutes à toutes
, je n'ai pas dit directement
: il y a des intermédiaires et des regroupements, ce n'est pas un réseau point à point
.
Vous avez bien rédigé l'adresse (avec le code postal) ? Vous êtes allé jusqu'au bureau de poste mettre la lettre dans la bonne boîte avant la levée du courrier ? Vous avez respecté des conventions : le protocole utilisateur.
Derrière la boîte jaune il y a des postiers. Ils relèvent le courrier à heures fixes, le trient, le mettent en sacs, envoient ces sacs à leurs collègues ailleurs, ces collègues ouvrent les sacs, trient une nouvelle fois les lettres, le facteur prépare sa tournée, etc. .
Tout cela n'est pas organisé n'importe comment : le réseau postal a ses propres protocoles internes.
Tout cela ne vous concerne absolument pas : le réseau est organisé en couches.
Ceci signifie que vous, vous n'avez à connaître et respecter que le protocole utilisateur (pas plus loin que la boîte jaune). Le postier qui relève la boîte n'a (en théorie) besoin de connaître que le protocole utilisateur (pour vérifier que votre enveloppe est compréhensible) et le protocole à respecter pour préparer le travail de ses collègues trieurs. Ceux-ci, à leur tour, n'ont besoin de connaître que le protocole de l'agent qui a relevé la boîte (pour comprendre ce qu'il a fait) et le protocole d'échange avec le transporteur qui emportera les sacs ailleurs. Et ainsi de suite.
Vous n'allez pas expliquer leur métier à l'agent trieur ou au transporteur, ils ne sont pas davantage chargés de vous expliquer comment rédiger une enveloppe. En revanche le guichetier (à l'expédition) et le facteur (à la réception) sont là pour répondre à vos questions : il n'y a d'échanges qu'entre une couche et ses voisines immédiates.
Ce n'est pas une entrave à la liberté d'expression mais une simplification pour tout le monde : peu d'interlocuteurs, on sait clairement ce qu'on peut et ne peut pas en attendre.
Vous n'avez pas respecté le protocole utilisateur : oublié le code postal, placé le timbre au mauvais endroit… et la lettre est tout de même arrivée ? Les postiers ne sont pas des imbéciles, même si votre papa a une plus belle voiture qu'eux : le réseau comporte des protocoles de correction d'erreurs.
Petit(e) Français(e) à Londres, vous avez préparé une lettre impeccable, l'avez sagement glissée dans la fente d'une litter box jaune, et elle n'est jamais arrivée ? On a dit correction d'erreurs
, pas production de miracles
– et une litter box
est une boîte à ordures, pas une boîte à lettres, les protocoles des éboueurs ne sont pas ceux des postiers, personne n'a prévu d'interconnexion.
Petit(e) Français(e) en Allemagne, vous avez préparé une lettre impeccable, envoyée à Brascoulet-sur-Manégude (Loire-et-Garonne), l'avez sagement portée au Postamt en vous demandant si les Briefträger comprenaient le français, s'ils avaient Brascoulet dans leurs catalogues ? Pas forcément (et pour Brascoulet j'en suis certain), mais ils savent reconnaître une lettre destinée à la France et la mettent dans un sac étiqueté Frankreich : que les französischen Kollegen se débrouillent ensuite. La Poste allemande et la française ne sont sans doute pas organisées de la même manière, les Français n'ont pas une carte d'Allemagne sous les yeux ni inversement, mais ils savent échanger des sacs : leurs réseaux respectifs sont interconnectés. Interréseau… internet.
Pourquoi ce qui vous semble évident et logique pour du papier serait-il obscur et arbitraire pour des octets ? Le vocabulaire change mais les besoins sont les mêmes.
Tiens, je vois que j'ai oublié la bande passante
dans mon histoire. Comme souvent le terme est impropre (soupir) : il devrait désigner les limites de taille autorisée (de la boîte d'allumettes au buffet Henri II, par exemple), il désigne en fait le débit du réseau. Nombre maximum de plis triés par jour ou nombre maximum d'octets transmis par seconde. Que la bande passante de l'ADSL soit supérieure à celle d'un modem 56k signifie qu'il passe plus (beaucoup plus) de paquets d'octets par seconde, pas nécessairement que ces paquets sont plus gros ou plus petits. Mais il est vrai que les postiers connaissent encore la langue française.