Déjà le troisième article sur la question ? Si j'avais su dans quel engrenage je mettais le doigt en écrivant le premier…
M'est revenue dernièrement l'histoire du terme boot
, on trouve quelquefois bootup
, au sens d' initialisation
ou amorçage
. Quid est ?
Entre le moment où vos doigts nerveux appuient sur le big red switch
( red
quelle que soit sa couleur réelle) de mise en marche et celui où l'ordinateur consent à vous prêter un peu d'attention s'écoule un temps, toujours trop long, où la machine accomplit sa séquence de boot
. En français convenable on parle de séquence d'initialisation
, ce qui est un peu plus explicite. On pressent bien qu'il y a aussi un rapport avec la disquette de boot
ou un CD bootable
, mais rien de tout cela n'aide à comprendre ce qu'une botte vient faire dans l'histoire.
Botte ? Botte, pour marcher – et n'espérez pas découvrir au fond du gros dictionnaire un sens oublié qui vous tirerait d'affaire. En franglais on dit aussi qu'on boote la bécane
, ce qu'il faut éviter de traduire au pied de la lettre : to boot the computer
c'est botter l'ordinateur
, procédure bien tentante mais pas normalisée du tout ! Et trop heureux encore qu'aucun comité officiel n'ait jugé bon de préconiser bouter l'ordinateur
. La dernière qui s'est occupée de bouter quelqu'un hors de quelque part a eu les pires ennuis.
Vous ne pensiez pas que j'allais vous livrer la réponse toute cuite, hein ? Hé non, regardons d'abord cette fichue séquence.
En fait, même pas : dans un accès de sadisme didactique je vais commencer par vous infliger quelques notions de base (warning : grosses approximations ahead). Les geeks peuvent sauter cette partie et aller directement à la fin.
Tout au centre de votre bécane se trouve le processeur (ou CPU), circuit intégré fabriqué par Intel, Motorola, Acer, ou d'autres. Outre qu'il se charge de tous les calculs, d'où son nom, il comporte un peu de mémoire très rapide, partie mémoire de travail et partie mémoire permanente. Autour de lui, sur la carte mère, gravitent un tas de trucs électroniques pour l'aider à bosser, parmi lesquels d'autres mémoires, plus lentes mais nettement plus volumineuses que celle qu'il embarque. Le contenu de certaines peut changer selon les besoins (les barrettes de RAM dont on n'a jamais assez), d'autres ont un contenu permanent (ROM) ou éventuellement modifiable, à l'occasion, avec un marteau et un burin (mémoires flash
). Un fouillis de fils relie tout ce petit monde à beaucoup de choses, parmi lesquelles un autre type de mémoire encore plus lente et encore plus volumineuse : le ou les disques durs, voire le ou les lecteurs de disquettes.
Pour causer avec vous, pour faire marcher les programmes qui vous intéressent vraiment (traitement de texte, tableur, navigateur, morpion, sudoku e tutti quanti : programmes applicatifs
) cet ensemble matériel (qu'on appelle un ordinateur
, au fait) a besoin d'un ensemble de programmes, répondant au nom charmant de système d'exploitation
ou OS : MacOS, Windows, Linux, Unix, tant d'autres…
Un système d'exploitation est évidemment très lié à l'architecture du processeur concerné. Sa place naturelle
semblerait être le processeur, où on l'inscrirait en usine une bonne fois pour toutes.
Mais.
Mais d'abord c'est souvent gros, voire très gros, et ça désenfle rarement au fil des versions. Ensuite, et puisque nous parlons de versions, ça change au fil du temps. Ensuite toujours, deux processeurs identiques peuvent s'entourer de composants et de périphériques complètement différents, dont certains n'existaient même pas lors de la conception du processeur. Enfin, sans même parler de versions successives, il peut exister plusieurs OS, complètement différents, pour un même processeur ; exemple type : Linux.
Conclusions : modulariser et externaliser. Pour un ordinateur normal
, de vouzémoi, on stocke généralement l'OS sur une disquette, un CD ou le disque dur.
Comment se fait le lien avec le processeur ? Par la séquence d'amorçage
, justement.
C'est beau comme le réveil de la Belle au Bois Dormant. Le processeur bâille, agite les orteils, se passe les doigts dans les cheveux et trouve dans sa toute petite et très rapide mémoire permanente un programme très court. Ce premier programme, immuable, dit à peu près vérifie que tu es entier, prépare-toi un café, et puis va donc voir la suite à tel endroit
.
Le tel endroit
est une adresse en mémoire permanente (plus grosse et plus lente, ROM ou flash) où loge un autre programme. Cet autre programme trouve les copains de la carte-mère et les réveille – à leur tour ils iront de leur côté réveiller écran, clavier et autres organes externes par une procédure analogue.
Reste à trouver le gros de l'OS. Le programme de tout à l'heure se termine lui aussi par va voir la suite à tel endroit
, mais le tel endroit
est cette fois-ci déterminé en palpant d'abord les supports amovibles (disquette, CD, clé USB, etc.) puis les supports fixes (disque dur). Le premier qui porte un string de dentelle – pardon : quelques octets caractéristiques à un endroit précis – est réputé contenir le ou les programmes chargés de la suite des événements (et si tout le monde est en slip kangourou, vous avez un GROS problème).
Cette suite des événements, c'est toute une série de chargements d'autres programmes (les pilotes) pour dialoguer correctement avec les périphériques encore inertes et, pour finir, le programme (interface graphique ou pas) chargé de dialoguer avec le périphérique le plus lent de tous : vous.
Et la botte ? Résumons le scénario précédent : l'ordinateur se met en marche en lançant un petit programme qui va en chercher un plus gros qui va en chercher un encore plus gros qui va… Bref, il fait tout lui-même tout seul comme un grand sans apport extérieur.
Si c'était un homme, ce serait un self-made man – en français : un parvenu. Plus gentiment, on dirait qu'il s'est élevé à la force du poignet.
.
Si c'était un cow-boy, on dirait que he lifted himself by his bootstraps
, qu'il s'est soulevé en tirant sur les boucles de ses bottes – vous savez bien, les petites boucles à l'arrière pour aider à enfiler.
C'est mignon, non ?
Donc, la prochaine fois que vous allumerez votre micro, imaginez le malheureux processeur en train de tirer frénétiquement sur ses santiags pour venir jusqu'à vous, et souriez un peu pour patienter…
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